TATUAZE STÉPHANE CHAUDESAIGUES LA FRANCE- L'ÉLÉGANCE

Notre stand, à la convention de Paris, se trouvait juste a côté de celui de Stéphane Chaudesaigues. Nous suivions son travail depuis longtemps et avons eu l’occasion de discuter avec lui. Stéphane est un grand bavard dont la conversation est vraiment passionnante.

Sachez déjà que la famille Chaudesaigues a inventé un prix, le Chaudesaigues award, destiné au meilleur artiste de l’année 2012. Ce prix sera attribué en février 2012 aux Etats-Unis, par un jury composé de Shane O'Neill, Nikko Hurtado, Boris et Andréa Afferni. Ce prix s’inscrit dans une tradition familiale ; déjà, au XIX siècle, Eusèbe Chaudesaigues, chevalier de la Légion d’Honneur, avait créé un prix récompensant les meilleurs étudiants en architecture. La famille Chaudesaigues a décidé d’actualiser ce prix pour distinguer les meilleurs tatoueurs. 

 

C’est donc un prix né d’un amour, celui de deux frères, celui d'un père pour ses enfants, celui d'un homme pour son travail. Chez les Chaudesaigues, chaque génération perpétue en effet la passion du tattoo. Stéphane est du reste un homme très attaché à la famille et aux traditions.

 

Ce fut un vrai plaisir que de pouvoir évoquer cette passion familiale ainsi que la scène française du tattoo avec Stéphane, en toute sincérité.

 

Comment as tu commence ton aventure dans le monde du tatouage, et d ‘où est né ton intérêt pour l’art corporel ?

 

J’ai aujourd’hui 43 ans, mais j'ai commencé à m’intéresser au tatouage à l’âge de  11 ans. Plus tard j’ai ouvert mon premier studio de tattoo.  Ma première source d’inspiration venait du tatouage de mon père. Mon père était absent. Ma passion vient aussi de mon frère qui portait beaucoup de tatouages.  Dès l’enfance, j’étais attiré par les tatouages et je voulais apprendre à en faire. Dans mon quartier, les tatouages étaient associés aux voyous, mais pour moi ils représentaient la force, c’est-à-dire, une forme de violence, mais aussi le respect dans la rue.

Ce n’est que bien plus tard que j’ai découvert la technique du tattoo, comment fonctionnait la machine à tatouer. Mais à l’époque, le niveau des tatoueurs n’était pas le même qu’aujourd’hui.

 

 

Comment trouves-tu  la scène  française du tattoo ?

 

Je trouve qu’on a beaucoup de bons artistes, mais notre côté français nous pousse souvent à croire qu’on a de l’avance sur les autres.  Heureusement, la médiatisation grandissante des tatoueurs de l’est nous permet de revenir à la réalité, car vous êtes vraiment bons et il faut bosser dur pour vous suivre et tenir le niveau.

 

 

Pourquoi la scène française de tattoo s’est-elle développée si tardivement ?

 

La France avait pourtant beaucoup de ports et énormément de colonie avant la deuxième guerre mondiale…

 

À mon avis, nous (les Français) sommes très conservateurs. Le catholicisme a joué aussi un rôle dans ce retard : les seuls personnes qui arboraient des tattoos ont longtemps été les soldats, les voyous, les gangsters et les prisonniers. Les ports, les bars, les prostituées, les marins représentaient tout ce qui était moche, obscur, dangereux, en bref le plus bas niveau de notre société. Les tattoos des prisonniers dans les camps de concentration ont aussi laissé une trace indélébile dans l’imaginaire collectif.

Je pense que des changements ont eu lieu quand on a commencé à voir à la télé des chanteurs et d’autres personnalités arborer des tatouages sans complexe. En vérité ce changement de perception a commencé à se produire il y a 15-20 ans environ, mais il faudra encore beaucoup de temps pour se débarrasser définitivement des préjugés sur le  tattoo et des gens tatoués. Il existe encore tellement de groupes sociaux, dont par exemple les ultras catholiques, qui n'ont jamais accepté le tattoo, pour qui l’art corporel représente un péché !

 

 

Qui influence ton style parmi les tatoueurs et  comment as-tu travaillé ta technique du tattoo ?

 

Au tout départ, quand j'ai découvert le tattoo, il n’y avait pas de livre qui parlait de cette pratique. Etant déjà tatoué, j’observais donc le travail des autres, mais cela n’avait rien à voir avec le tatouage d’aujourd’hui ; c’était souvent nul et moche. Ce n’était donc pas très difficile pour moi de faire mieux. À l époque, c’était facile de faire les traits et de remplir d’une couleur. Mes tattoos étaient meilleurs que les autres, mais sans plus. Je voulais améliorer ma technique, mais ce n'était pas facile car aucun tatoueur ne voulait partager son savoir-faire.

À ce moment-là, j’ai commencé a étudier l’histoire de l’art : ce que je voyais dans les bouquins j’essayais de le reproduire sur la peau. Si au début je n’étais pas bien doué, au fur et à mesure j’ai amélioré la base de mon style. Puisque je n’arrivais pas à faire de beaux traits, j’évitais les traits et utilisais à la place beaucoup  de couleurs, comme avec un pinceau. Grâce à cela, je me suis rapproché du photoréalisme, de l’art du portrait. J’ai étudié les tatouages de J. Rudy ou B. Everett, mais il me manquait toujours une qualité d’exécution dans le contour. Progressivement, j’ai arrêté les couleurs, car je crois que la couleur est moins violente que le noir. Je trouve aussi que les couleurs palissent beaucoup plus vite et vieillissent mal. Il ne faut pas oublier que le tattoo vieillit avec l’âge, tout comme la peau.

 

 

Comment trouves-tu la convention de Paris et le niveau des artistes?

 

La scène française du tatouage est divisée. La personne qui organise cette convention, ici à Paris, n’est pas un tatoueur. De ce fait, il ne peut pas compter sur l’aide des vieux tatoueurs, qui trouvent que ce n’est pas a lui de s’occuper d’organiser une convention. Ils ne font donc rien pour l'aider. Pour ma part, je respecte Laurent pour son effort. C’est grâce a lui que nous avons une convention chaque année sur Paris. Malheureusement, nous ne sommes pas capable de nous entendre pour faire de cette convention un grand rassemblement. Cette division est typiquement française.

Les conventions françaises ont des sphères d’influence différentes. Il y a d’un côté celles qui brassent un large public sans lien réel avec le monde du tatouage mais qui rapportent beaucoup d’argent à leurs organisateurs, et de l’autre celles qui attirent des connaisseurs, mais dont l’espérance de vie est courte en raison du manque de moyens.

 

 

Est ce que vous êtes satisfait de votre travail et quels sont vos projets pour le futur ?

 

Ma vie a été longtemps très dure, et le tatouage m'a complètement changé. C’est grâce au tattoo et à mon travail que j’ai pu obtenir tout ce que j’ai aujourd’hui, je parle ici de ma famille, de mes six enfants. J’aime ce que je fais : grâce à ma passion, j’ai rencontré des gens passionnants. Si jamais j’étais obligé d’arrêter de tatouer, j’investirais dans l’organisation de spectacles, toujours dans l’univers du tattoo. Cela exige bien sûr beaucoup de travail et un engagement à 100%. Le plus important étant de le faire avec le coeur.

 

 

Si jamais tu étais Dieu et pouvais sauver un artiste, lequel choisirais-tu et pourquoi ?

 

Décidément G. Aitchison. C’est un garçon calme, qui ne cherche de problèmes à personne, ne la ramène jamais en dépit de tout ce qu’il a fait pour le monde du tattoo. Pour moi, c’est presque un génie.

 

 

 

 

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